"Tant que nous considérerons que la loi n'est pas la même pour tout le monde, qu'elle innocente des coupables tout en culpabilisant les victimes et leur entourage, tant que nous penserons qu'une couleur de peau ou un uniforme nous sépare du reste de l'humanité, alors nous ne serons pas heureux."
"Je n'ai jamais soufflé dans un éthylotest, je n'ai jamais été arrêtée pour contrôle de papiers, je n'ai jamais vécu dans un quartier prioritaire. Lorsque j'entre en prison, c'est pour y faire des ateliers. C'est un peu facile pour moi d'être solidaire. Malgré tout, la solidarité ce n'est pas qu'entre personnes qui galèrent. Il suffit de réfléchir au monde dans lequel on vit, à ses valeurs et à ses questions proprement philosophiques. Je ne veux pas, que sous le prétexte d'une couleur de peau, d'une croyance, d'un milieu social, l'autre soit considéré supérieur ou inférieur à moi. Je ne veux pas que le plus riche soit plus estimé, je ne veux pas que le musulman soit moins intégré que le catho... Je veux d'ailleurs me foutre d'où l'on vient, ce à quoi l'on croit...Je veux aimer l'autre, je veux le respecter.
Pourtant depuis que je suis journaliste, et que je couvre les luttes sociales, j'ai bien sûr vu que nous n'étions pas tous égaux et que la loi des hommes primaient...Qu'une pyramide s'est inscrite. Les forces de l'ordre n'ont pas toujours été tendres, démontrant leur puissance armée.
En 2016, une fliquette se permettait d'insulter puis de bousculer Stanislas Depique Lebon qui tenait la caméra de Mediacoop en pleine manif.
En 2018, je prenais dans les yeux un gaz lacrymo. Le policier était sorti expréssement de son véhicule alors que je remontais seule une rue pour rejoindre un cortège étudiant. Là, il m'avait personnellement visée, et était remonté, hilare dans son camion auprès de ses collègues. Heureusement, des camarades, armés de serum m'avait récupérée et soignée
En 2019, Les nombreuses manifestations de Gilets jaunes montraient que dans notre république, l'ordre s'autorisait à amputer, éborgner, tant que le calme revenait. Et moi, journaliste, j'avais peur pour mon corps. Je n'ai jamais aimé la violence. Je devais l'affronter, l'anticiper à chaque coin de rue.
Puis, il y a eu nos morts...enfin les leurs...Ceux de gamins en pleine force de l'âge, de ces morts que j'ai couverts, la majorité d'entre eux venaient des quartiers pauvres. Wissam est le triste symbole des violences policières clermontoises. Un gosse un 31 décembre ramassé par les policiers sur le parking d'Auchan, un gosse traîné au commissariat, et frappé sous les yeux éberlués des gardés à vue de ce soir-là. Un corps mutilé, détruit, avec de nombreux hématomes et fractures. Rendu à la famille, enseveli de mensonges...
On ne tue pas, jamais. Que l'on porte un uniforme ou pas, que l'on soit riche ou costaud. On ne tue pas et on ne choisit pas sa victime en fonction de sa race, de son origine, de sa croyance.
Celui qui tue ne peut rester innocenté. Pourtant, dans l'histoire d'Amada, de Wissam et de plein d'autres, on ne trouve pas de coupables, si ce n'est un cœur dit défaillant. Ca n'existe pas... Si ces gens sont morts, ce n'est pas à cause de leur couleur, ni même à cause de leurs actes, ils ont été tués. Assassinés. Ils sont morts à cause d'hommes qui se croyaient tout puissants.
se sentaient-ils ainsi car on leur a fait comprendre qu'ils avaient tous les droits, touchés par l'immunité. Se sentaient-ils ainsi car ils se savaient protégés par les autres, par le système ? .
Tant que nous considérerons que la loi n'est pas la même pour tout le monde, qu'elle innocente des coupables tout en culpabilisant les victimes et leur entourage, tant que nous penserons qu'une couleur de peau ou un uniforme nous sépare du reste de l'humanité, alors nous ne serons pas heureux.
Je n'ai jamais soufflé dans un éthylotest, je suis blanche de peau, hétéro, et je vis à la campagne. Mes conditions créent des inégalités, dont je ne saurai m'excuser. Car je voudrai que chacun d'entre nous se sente libre et en sécurité.
Pourtant, même moi en tant que journaliste, il m'est arrivé d'avoir peur des Forces de l'ordre.
Cette peur n'est pas convenue dans notre société. Elle y est même interdite.
Je serai donc solidaire à toutes les victimes des violences policières car elles sont souvent représentatives des populations stigmatisées, et que je n'accepte plus la stigmatisation .
Je serai donc solidaire à toutes les victimes de violences policières, car je suis blanche, noire, violette, car je suis athée, musulmane, bouddhiste, car je suis riche, pauvre, sans domicile fixe...
Je suis solidaire aux victimes des violences policières car je dénonce le pouvoir excessif donné à certains uniformes, en toute impunité.
Je suis solidaire aux victimes des violences policières car je ne veux plus avoir peur...
Demain, RV à 18h place de jaude
Eloïse"