Les conditions du pire

par cjvpourwissam

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La création des conditions du pire

 

Quittons pour un temps la logique sécuritaire exacerbée et de surveillance pour mieux démontrer à quel point tous ces événements font le jeu de tous ceux qui concourent à créer les conditions du pire. Par pire il faut ici entendre, et les mots sont pesés et soupesés, une guerre civile plus ou moins larvée. La séquence des dernières semaines ne fait effectivement que confirmer à quel point les tenants des fractures irréconciliables et de l’incompatibilité entre la France et les musulmans sont en train d’avancer leurs pions et de progressivement gagner la bataille culturelle. Il y eut évidemment ce discours d’Eric Zemmour, récemment condamné pour incitation à la haine raciale, appelant à mots à peine couverts à une guerre défensive contre l’envahisseur musulman diffusé sur une chaine d’info en continu ou cette scène d’une violence inouïe d’un élu RN humiliant une femme voilée venue accompagner la sortie scolaire de la classe de son fils au conseil régional Bourgogne-Franche-Comté, fils qui s’est mis à pleurer face à ce déferlement de haine.

Mais le plus important et le plus grave n’est pas là. Il est évidemment dramatique d’en arriver à ce point de haine mais il est bien plus important à mes yeux de comprendre comment nous avons pu en arriver là et surtout d’étudier les réactions auxdits évènements. La réalité c’est qu’une très grande partie de la classe politique a fait sienne les thèses racistes du Rassemblent National – le grand débat sur l’immigration étant la dernière illustration en date – et est sensible d’une manière ou d’une autre aux délires complotistes et racistes sur le grand remplacement. Les réactions à l’odieuse intervention de l’élu RN est à cet égard très révélatrice. Deux ministres du gouvernement – Bruno Le Maire et Jean-Michel Blanquer – loin de condamner inconditionnellement le comportement obscène de cet élu ont rajouté un « mais » à leur condamnation pour rappeler que le voile n’était pas souhaitable dans nos sociétés. Même lorsqu’une ministre, Marlène Schiappa pour ne pas la citer, se met en tête de condamner elle ne condamne pas dans l’absolu mais parce que c’est ce genre de comportements qui génère du communautarisme selon elle. C’est en face d’une construction de longue haleine que nous sommes. De Nicolas Sarkozy et son ministère de l’immigration et de l’identité nationale à Emmanuel Macron et son gouvernement qui n’est un barrage aux idées d’extrême-droite que dans le sens hydroélectrique du terme en passant par François Hollande et sa déchéance de nationalité, voilà des années voire des décennies que l’on a construit une société où les structures étatiques rejettent en bloc toute une partie de la France.

 

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Ce « théâtre de la terreur » n’a pas pour autre but que de créer un sentiment d’insécurité et de tenter de provoquer un accès de folie chez ceux qui sont touchés. En termes militaires purs en effet – et il ne s’agit pas ici de minimiser la mort de civils – les attentats en France ne sont effectivement pas décisifs d’un point de vue militaire. Ces attaques visent effectivement à faire bien plus de dégâts par l’onde de choc qu’elles créent dans les sociétés touchées que par l’explosion d’une bombe, les rafales d’une kalachnikov, les coups de couteau ou l’écrasement d’innocents. En ce sens, il me semble évident de parler de théâtre dans la mesure où l’attentat en lui-même n’est pas la fin mais bien plus le moyen d’arriver aux buts politiques prédéfinis par certains théoriciens. Et cette fin théorisée par les têtes pensantes est précisément le piège dans lequel notre pays est en train de tomber en devenant fou, en changeant ses lois et en offrant sur un plateau la victoire aux deux parties de la mâchoire d’airain : les racistes et les terroristes. Il n’est certainement pas encore trop tard pour casser cette mâchoire d’airain mais l’urgence se fait chaque jour plus impérieuse. Dans la situation actuelle cela ne sera certainement pas simple et peut sembler relever de l’utopie. Mais si la France refuse de casser cette mâchoire d’airain, nous serons alors définitivement perdus sans aucune issue de secours que de constater la victoire des forces de la haine. L’hiver parait chaque jour plus rude et la nuit plus noire mais tâchons de conserver en tête la magnifique phrase d’Albert Camus dans son Été : « Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible ».

 

Pour aller plus loin:

L’Etrange défaite, Marc Bloch

Pourquoi je hais l’indifférence, Antonio Gramsci

La stratégie de la mouche: pourquoi le terrorisme est-il efficace ?, Yuval Noah Harari sur Bibliobs

L’Été, Albert Camus

 

 

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