LA RÉMANENCE DE LA « BATAILLE DU VOILE »

par cjvpourwissam

On parle de rémanence pour certains pesticides qui peuvent, longtemps après leur utilisation, persister et passer d'un compartiment à l'autre  On les dits parfois « écorémanents » ; C'est le cas par exemple du DDT qu'on retrouve encore des décennies après son interdiction dans certaines régions, éloignées de toute source de pollution directe.

 

Le concept est repris aussi par les historiens. Ainsi Yann Scioldo-Zürcher intitule un article :“la rémanence des stérétotypes coloniaux dans le discours politique, 1962-2005”.

 

 

Dans le contexte de l’automne 2019 où le locataire de l’Elysée se la joue Hercule contre l’ «hydre islamiste », est à l’oeuvre la rémanence coloniale toxique qui sépare et divise . C’est le ministre Blanquer qui se radicalise en toute illégalité dans une énième resucée de la « bataille du voile ».

 

 

Extraits de La « bataille du voile » pendant la guerre d’Algérie de l’historien américain Todd Sheppard, 2004

 

[Partisan de l'Algérie française, Raoul Salan dirigeait l'OAS, organisation terroriste qui fomenta un attentat dont le président de la république, Charles de Gaulle, échappa de justesse.]

 

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L’évènement principal qui porta la bataille du voile à la connaissance du public international fut le célèbre « dévoilement » de femmes algériennes du 16 mai 1958. Au milieu de la révolte qui menaçait de renverser le gouvernement français et qui ramena au pouvoir le général de Gaulle, on fit venir des milliers de musulmans algériens de villages des environs d’Alger pour qu’ils manifestent leur soutien à la « fraternité » française et à « l’Algérie française ». L’attention médiatique se concentra sur un petit groupe de femmes : aidées par des Européennes bien mises, elles enlevèrent leur voile au cours d’une cérémonie savamment chorégraphiée, révélant ainsi des visages souriants.

Les nationalistes algériens participaient eux aussi à la bataille du voile. C’est à Frantz Fanon, que nous devons l’évocation la plus célèbre de ces évènements. Dans « L’Algérie se dévoile », il se réfère aux femmes du 16 mai 1958 dans les termes suivants : « des domestiques menacées de renvoi, de pauvres femmes arrachées de leurs foyers, des prostituées ». Les femmes qui participèrent à la chorégraphie du « dévoilement » étaient en fait membres du Mouvement de solidarité féminine, une organisation charitable dont la visée officielle était l’amélioration des conditions de vie des femmes musulmanes d’Algérie, et qui avait été fondée par Mme Raoul Salan, la femme du commandant des forces armées françaises en Algérie en 1958.

Comme le souligne l’article de Frantz Fanon, cela faisait longtemps que le haïk ou foulard obsédait les observateurs français de l’Algérie.

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Malgré la longue obsession française pour le voile, c’est seulement avec la révolution algérienne que le voile devient vraiment un enjeu essentiel. Auparavant, il était déjà le symbole de tout ce qu’il y avait d’étranger dans la culture « arabe » et « musulmane ». Avec la révolution algérienne, le voile en vient à symboliser la distance entre la culture, le régime politique et la société voulue par la France et ceux qui dénoncent le FLN.

Un article de Frantz Fanon paru dans El Moujahid glorifie les militantes du FLN qui prirent le voile pour participer à la révolution et les femmes algériennes qui, « dévoilées depuis longtemps, reprennent le haïk, affirmant ainsi qu’il n’est pas vrai que la femme se libère sur l’invitation de la France et du général de Gaulle ». De nombreux témoignages décrivent comment certains soldats français dévoilaient les femmes de force pour les humilier, particulièrement dans le bled, et comment cette pratique était aussi associée à la torture physique pour punir les femmes qu’on soupçonnait de militer pour l’indépendance. Les accords passés entre le FLN et le gouvernement français ne mirent pas fin au rôle symbolique joué par le voile : le 6 mai 1962, l’organisation terroriste OAS abandonna sa politique de ne pas viser directement les femmes en abattant cinq femmes voilées dans les rues d’Alger ... »

 

On peut retrouver le texte entier sur :

 

 

 

 

 

 

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