Les luttes ne doivent pas être exclusives mais bien inclusives
Mes amis,
La différence dans l'arrestation elle même et dans le traitement médiatique d'un terroriste blanc (avoué à demi mot) et d'un vendeur ambulant noir (décédé conséquemment à cette arrestation) comme beaucoup ne m'a pas laissé insensible comme les accusations de racisme anti-blancs portées à la brigade anti-negrophobie.
Ces deux histoires sur la photo qui se passent aux États-Unis nous amènent à croire que le problème des injustices policières n'est pas inhérent à la France mais à un modèle de société basé sur le même fondement : l'impérialisme.
Ces deux histoires nous amènent aussi à nous poser la question du racisme. Sujet qui divise mais dont on ne peut ignorer.
Je comprends que parler simplement de racisme n'est pas entendable mais ne pas en parler du tout l'est encore moins. C'est de cela dont je voudrais m'attarder.
Ces deux arrestations me rappellent la manière dont on traite des policiers blancs qui ont assassiné Wissam et la manière dont Wissam a été traité pour un jet de pierre.
Lorsqu'il s'agit de valider une version policière invraisemblable les experts utiliseront des termes comme "Il n'est pas impossible que..." et lorsqu'il s'agit d'invalider une thèse évidente mais incriminant la responsabilité des policiers les experts judiciaires utiliseront des termes comme "on ne peut pas être catégorique en affirmant que ...", "on ne peut pas déterminer avec précision ..." ...
Tout cela est bien sournois comme le racisme institutionnel dans nos pays que l'on peut retrouver aussi dans les médias mais qui sont en réalité les indicateurs de l'atmosphère ambiante.
Qu'on soit bien d'accord, on n'accuse pas une personne mais le comportement d'un groupe. Il nous a fallu du temps pour comprendre qu'en réalité le policier qui assassine n'est pas tellement différent de ses collègues, il est juste allé un petit peu plus loin que ses collègues qui se montreront d'ailleurs solidaires de son acte parce que pensant de la même manière.
Certains diront que la police ou la justice ne sont pas racistes parce qu'il y a des noirs aussi. Les kappos durant la seconde guerre mondiale étaient aussi des juifs ça ne les empêchaient pas de se comporter de manière anti-juive .
Peut on être neutre dans un train en marche ? Peut on être objectif dans une situation injuste ?
Parler de neutralité objective, c'est ne pas comprendre qu'un individu a d'abord une identité sociale dans un environnement social avant d'avoir une identité propre. Dire cela c'est aussi ne pas voir que raisons et sentiments ne sont pas foncièrement contradictoires.
Comme disait quelqu'un "être neutre dans une situation injuste c'est prendre le parti de l'oppresseur". Un policier noir ou un expert blanc peuvent avoir un comportement raciste sans le savoir parce qu'evoluant dans un environnement raciste où la vie d'un noir n'a pas d'importance, où être injuste vis à vis d'un noir fait partie de la norme, où le noir est d'abord coupable et le blanc d'abord victime. La vie d'un noir a d'autant moins d'importance lorsqu'il aura commis un acte de délinquance même si cet acte est moins grave que celui du policier. Pour être vraiment neutre il doit en réalité prendre position pour l'opprimé.
Être blanc ou être noir c'est une identité sociale. L'arabe est noir, le policier est blanc, le pauvre est noir, le riche est blanc. Les mots eux mêmes traduisent cela, le noir est attaché culturellement au mauvais et le blanc à la pureté. L'homme ne peut pas penser sans langage et le langage est lui même raciste produit par une société culturellement raciste. Ce n'est pas être anti-patriotique de le dire mais plutôt l'inverse : c'est être juste et aimer son pays que de le reconnaître. Le mot "patriote" par exemple, usé par les fachos a lui même perdu de son sens comme disait quelqu'un récemment "L’essence du patriotisme révolutionnaire n’est pas d’aimer son pays et l’image du terroir qu’en donnent la droite et l’extrême droite, mais d’aimer les gens qui y vivent et avec lesquels on forme une communauté de destin.". Le combat est aussi à travers les mots.
Ces mêmes mots me manquent pour décrire mon malaise sur le sujet. Je ne veux pas faire de mal mais être neutre ça serait aussi en commettre et nous desservir dans nos luttes. C'est la neutralité de nos détracteurs qui pose un problème.
L'environnement est d'autant plus malveillant lorsqu'il s'agit des institutions parce qu'elles sont décalées de l'évolution de la société parce que leurs fonctions est de garantir un ordre permanent quitte à ce qu'il soit injuste. Le rôle des institutions est d'être résistant à tout changement alors que le monde, la nature sont changements.
Comment parler d'un système structurellement raciste à des amis qui ont plutôtun bon fond sans les heurter et qui ne peuvent pas le comprendre parce qu'ils ne se considèrent pas comme racisés parce qu'ils n'ont pas vécu ce qu'un noir vit et dont ce dernier ne peut se défaire ?
J'entends les objections : parler de racisme c'est lui donner vie. Plutôt que de le dénoncer il faudrait l'ignorer.
J'entends les objections qui affirment qu'il y a aussi des blancs qui sont victimes et se sont aussi nos frères de luttes. Nous ne les oublions jamais !
J'entends les objections qui affirment qu'il s'agit d'abord d'un rapport de classes et parler d'autres choses c'est diviser.
J'entends les objections qui affirment que les violences policières sont nombreuses là où l'impérialisme est élevé et il est élevé là où les intérêts économiques sont nombreux et donc là où l'exploitation demande de maitriser les classes exploitées pour qu'elles nese révoltent pas.
Mais d'un autre côté comment faire comprendre que l'on ne peut pas fédérer avec la seule lutte des classes ?
Comment parler de classes à un individu qui ne se considère pas comme pauvre. Pauvre étant pour lui une insulte, un destin qu'il doit fuir. Cette même personne à qui la société et le miroir lui rappellent régulièrement qu'il est noir et qui se considère d'abord lui même comme noir ? Destin pour lequel il ne peut échapper.
Comment ne pas dénoncer un racisme institutionnel qui s'exprime devant nos yeux parfois même sans que les acteurs de ce racisme en soient conscients ?
Comment ne pas voir que les injustices sont de différentes fomes : de classes, de races et de sexes et que la lutte des uns renforce celles des autres ?
Comment faire comprendre que la société souhaite accorder une étiquette de bons ou de mauvais, de racistes ou de non racistes à des existences propres là où il faudrait plutôt parler de degrés et qu'elle s'y refuse sur des actes là où le manichéisme devrait être utilisé parce que les actes traduisent forcément des choix manichéens ?
Comment faire comprendre que tout individu dans un environnement structurellement raciste peut commette des actes racistes ?
Comment faire comprendre que les institutions sont à l'image de l'opinion publique : qu'elles minimisent les actes déviants lorsqu'il s'agit de blancs et qu'elles les maximisent lorsqu'il s'agit de noirs ?
Comment surtout faire comprendre qu'à force de traiter les noirs d'une manière et de ne pas les dénoncer ils finissent pas se comporter de la manière dont la société les considère et qu'ils seront accusés d'être seuls responsables des actes de délinquances commis en retour, les institutions confondant causes et conséquences ?
Comment ne pas voir que le comportement sur un noir finira pas être reproduit sur les autres ennemis de l'intérieur s'il n'est pas combattu ?
La lutte des classes est une réalité mais elle doit être complétée avec d'autres luttes. Ces luttes et ce message s'adresse à tous, ne doivent pas être exclusives mais plutôt inclusives pour leurs succès respectifs.
Farid